Jeanne a 39 ans, Noël approche et la joie légère de cette période de l'année s'évapore quand elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein déjà au stade 3. Elle est pétrifiée par l'inadmissible, ignore à quel moment elle peut simplement pleurer... avant de se faire guerrière et d'acheter un joli carnet bleu comme un ciel lumineux où elle va consigner son parcours, son "premier acte de résistance" (p.21). Un autre geste, pas si anodin, est de donner un petit nom à son cancer, elle choisit "mon camélia", "une fleur de décembre, le mois le plus éloigné du soleil. Voilà. Mon camélia. Mon hiver (). Je suis entrée en brouillard comme on part au combat, en me rêvant avril." (p.24). Nommer, c'est apprivoiser...
Lors de sa première séance de chimio, elle rencontre Brigitte, la petite cinquantaine, en récidive, une femme forte et déterminée, ne cachant pas sa "chauvitude", qui comprend son désarroi et la prend sous son aile. Elle lui présente Assia, sa compagne, sombre et dure, et Mélody, frêle et taiseuse. Toutes sont blessées, toutes sont en mal d'enfant. Elles sont cependant puissantes et déroutantes et vont suppléer à l'absence de Matt, le mari fuyant de Jeanne, peu courageux et aride de mots. Leur amitié, leur douce folie révèlent à Jeanne une autre facette d'elle-même, libre et insolente? C'est grisant, libérateur.
Puisque tout est différent, tout est urgent, chaque minute compte, tout a une autre saveur, tout restera en mémoire, gravé. C'est la raison pour laquelle, même si elle considère que c'est une belle connerie, elle adhère à un projet des filles, un projet fou et dangereux.
Ce nouveau roman de Sorj Chalandon est plus tempéré que ses précédents, pourtant tout aussi intime - c'est l'annonce du cancer de son épouse qui a fait naître l'idée d'une histoire centrée sur le féminin. Sa verve y est plus retenue, poétique, ses emportements plus doux. Nous y retrouvons son humanité et ses larmes aux yeux de tendresse. Et toujours cette colère, tonitruante et flamboyante, face à l'injustice, aux coups du sort, cette énergie qu'il donne à ses héroïnes de ne pas mentir à la vie et de se réapproprier un destin qui leur échappe. Il faut de la force pour se battre... Il nous raconte une lutte engagée avec au creux du ventre une joie sauvage, primitive, instinctivement impitoyable.
Ajoutons que, comme la guimauve n'est pas du goût de Sorj, il nous a concocté un retournement de situation assez surprenant et, à vrai dire, profondément humain parce qu'il parle de nos failles.
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