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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Une femme en contre-jour" Gaëlle Josse chez Notabilia


"S'il n'y a pas d'émotion, s'il n'y a pas un choc, si on ne réagit pas à la sensibilité, on ne doit pas prendre de photo. C'est la photo qui nous prend." Henri Cartier-Bresson


Chicago, décembre 2008. Une dame âgée, venue admirer le lac gelé, glisse sur une plaque de verglas. Une ambulance l'emmène et, contre son gré, elle est placée dans un home où elle s'éteint le 26 avril 2009. Dans le quartier où elle vivait, personne ne sait rien d'elle si ce n'est que c'était une femme solitaire, têtue et drôle parfois. Elle s'appelait Vivian Maier.

Gaëlle Josse raconte la vie de celle qui s'est révélée une photographe d'exception, méconnue de son vivant. Leur rencontre ne fût pas une fulgurance, non, bien un intérêt vif au vu de photos, une interrogation face au mystère, une lente conquête du coeur.


Vivian Dorothy Maier naît le 1er février 1926 à New-York, six ans après son frère Karl, fille de Charles Maier, émigré austro-hongrois, et de Maria Jaussaud qui a quitté les Hautes-Alpes pour rejoindre sa mère dont elle s'est émancipée, rêvant grand, rêvant libre. Le manque d'argent, l'alcool, la violence font que le conte de fée ne s'écrit pas. La famille se dissout. Maria repart en France avec Vivian, fuyant un mari qu'elle craint, abandonnant un fils, laissant une mère avec laquelle le dialogue est difficile. Le Rêve américain n'est plus.

Tôt Vivian connaît donc les drames de la vie. Elle n'attend rien, peut tout avoir. Reniée par son père, abandonnée par sa mère, sans lien avec son frère addict à tous les paradis artificiels, Vivian est seule. Loin du stéréotype de l'époque de la femme au foyer - épouse modèle et mère parfaite -, elle sera une aventurière, une audacieuse. Son appareil photo toujours autour du cou, comme une extension d'elle-même, elle fuira les spectres de la solitude et du désespoir en photographiant les exclus, les marginaux, les fracassés. Elle s'auto-portraite beaucoup également, dans un jeu fragmenté de présence et d'absence fascinant. Par la photo, elle est "un, personne et cent mille" (Pirandello).

Qui est Vivian Maier, artiste sans revendication, qui, en nous échappant, devient légende ?


Il n'est pas étonnant que la vie ait fait se trouver Gaëlle Josse et Vivian Maier, deux femmes toutes de compassion et de sensibilité, capables par là-même de saisir dans un regard, un visage, le déroulé d'une vie, sa dimension tragique autant que sa beauté. C'est avec une plume inspirée d'où coulent des mots au fort pouvoir émotionnel que l'auteur nous parle de cette "effacée magnifique" (p.102), une énigme à jamais, cependant familière parce que toute vie interroge la nôtre... des vies fabriquées de rêves, de fragilité, d'errances, de ce qui se gagne comme de ce qui se dérobe...


"Faut-il avoir ce désir fou de dire le monde, de dire les êtres, les vies, chevillé à l'âme pour, durant des décennies ne vivre que pour cela, ou par cela. C'est vertigineux, et cela échappe à l'entendement. Tout au long de sa vie, Vivian Maier n'est qu'une vérité qui se dérobe. L'histoire d'un bouleversant effacement devant l'oeuvre. La beauté du geste. La perfection du geste. Rien d'autre. Les yeux prêts pour la photo suivante." p.141





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