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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Un poisson sur la lune" de David Vann chez Gallmeister

Dernière mise à jour : 10 mars 2019


Jim Vann, le père de David, s'est suicidé lorsque ce dernier avait treize ans. Un tragique geste si incompréhensible à cet âge et dont l'auteur a fait un roman, "Sukkwan Island", paru chez Gallmeister en 2009, un essai de compréhension. Il y revient dans ce nouveau livre, mélange réussi de fiction et de récit, pour tenter un pas de plus dans une possible explication. C'est alors un homme adulte qui rencontre un autre homme adulte dans une pertinente interrogation de l'existence et de l'être soi.

Jim est dentiste, marié deux fois, divorcé deux fois, et a deux enfants : David qui a treize ans, Cheryl qui en a huit. Il a trente-neuf ans quand, sur le conseil de son psychiatre, il quitte l'Alaska pour rejoindre son frère Doug à San Francisco. Un espoir de "mieux" qui lui semble vain, il ne s'y sent pas à sa place - quelle place ?

David Vann imagine autour des mots que les deux frères ont échangés.

Doug, qui a six ans de moins que Jim, l'a toujours admiré et désire retrouver celui avec lequel il riait, celui avec lequel il partageait une passion pour la pêche et la chasse. Il ne reconnaît pas son frère.

Jim lui confie qu'il est au bout, qu'il n'a jamais voulu être dentiste - ah ! plaire à son père -, qu'il est trop fatigué pour changer quoi que ce soit, qu'il est à ses propres yeux "comme une merde". Il ne veut plus avoir à se justifier pour tout, il désire que tout soit plus simple, mais a perdu le moyen d'y arriver. Il vit dans une douleur physique et mentale perpétuelle, douleur de tout ce qu'il est devenu, de tout ce qu'il a mal fait, de ce qu'il pourrait transmettre de néfaste... Un homme qui pourtant,au milieu du désastre, racontait à ses enfants l'histoire incroyable du flétan qui s'envola pour la lune, éprouvant une joie pure délivré de la pression des profondeurs. Comme un rêve de soulagement...

Avec une singulière empathie, David s'est glissé dans la peau de son père submergé par une angoisse permanente et des pensées fracassantes, cet homme brisé qui, à défaut d'avoir réussi à donner un sens à sa vie, tente d'en donner un à sa mort. Il nous donne à lire un récit vibrant qui tient à la fois de l'intime et du collectif. Il interroge nos luttes, nos limites et les raisons qui font que nous restons debout, tout cela qui fait sens. Et ce constat : peut-être l'image que nous donnons à voir aux autres est-elle la meilleure, peut-être nous est-il impossible de faire mieux... et puis, lorsque nous touchons le fond et contrairement à une croyance populaire, nous pouvons ne pas savoir remonter...

L'intime partagé avec pudeur, des mots sensibles hors de tout pathos, une lucidité aimante, une humanité de choix.... David Vann, je vous aime !


"Comment survivre assez longtemps pour atteindre ce moment où la vie redevient quelque chose de désirable." p.209


"Doug, toi et nos proches avez vraiment fait tout ce que vous pouviez faire. Mais j'ai simplement besoin de quelque chose que vous ne pouvez pas me donner.

Le plus effrayant, c'est de ne plus pouvoir aimer, de ne plus pouvoir établir et maintenir une relation qui me permette de mener une vie épanouissante." p.284

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