Un long temps s'est écoulé avant que Gretel ne retrouve sa mère qui l'a abandonnée sans explication, seize ans d'attente et d'interrogations en souffrance. En devenant lexicographe, Gretel a comblé ce vide de mots, chacun défini au plus juste comme une assise dans la réalité que sa mère lui a appris à éviter, inventant un langage neuf, poétique, par elles deux seulement partagé.
Les années d'absence et de silence ont engendré une animosité qu'elle doit apprivoiser afin de savoir ce qu'il s'est vraiment passé alors, avant que la mémoire de sa mère ne se perde définitivement dans les replis de l'oubli.
Le retour dans sa vie de cette mère "horrible, merveilleuse, effrayante" (p.14) ouvre la Boîte de Pandore des souvenirs. Peut-elle leur faire confiance ? L'heure est venue d'affronter les démons qu'elle a réussi à tenir à distance, toutes ces peurs enfantines cristallisée dans le "Bonak", créature mi-homme mi-poisson sortie de l'imagination fantasque de sa mère. Gretel n'aura de cesse que d'éclaircir les zones d'ombre, parce que, même si elle le souhaite, le passé ne peut disparaître; il est une ancre. Quelle est l'histoire de sa mère ? Qui est son père et pourquoi ne l'a-t-elle jamais connu ? Qu'est devenu Marcus, cet étrange garçon parachuté un jour dans leur vie ?
Un roman entre conte gothique et roman noir qui avance à pas feutrés, mêlant plusieurs niveaux de narration - plusieurs voix, plusieurs époques. Avec une puissance d'évocation impressionnante, l'auteure y aborde les thèmes de l'identité, de la frustration amoureuse, du genre, des liens familiaux, du langage qui dessine et fixe, des angoisses existentielles, ce "tout" qui nous "submerge" et nous force à affronter les secrets, les non-dits, les traumatismes, le trop-plein de questions.
Elle donne à son roman une dimension mythique et psychologique en revisitant avec brio le mythe d'Oedipe : le destin est-il gravé dans l'airain ? Sommes-nous prédestinés ?
Un premier roman étrange aux nombreux méandres, à la plume gracieuse.
"Nos lieux de naissance nous reviennent toujours. Déguisés en mots, trous de mémoire ou cauchemars. Parfois, lorsque nous nous réveillons en sursaut avec une pression animale sur la poitrine et que nous allumons une lampe pour découvrir une personne disparue depuis longtemps en train de nous observer." p.320
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