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  • Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Sangoma, les damnés de Cape Town" Caryl Férey - Corentin Rouge chez Glénat


Caryl Férey est un écrivain qui voyage là où le guide son inspiration, il se rend dans le pays où il projette de dérouler son action, aventurier sans peur, souvent accompagné d'un ami surnommé "la Bête", une force de la nature qui seconde l'auteur au regard bleu ensorcelant pèsant quarante kilos tout mouillé.

"Sangoma" nous emmène en Afrique du Sud au coeur d'une véritable poudrière, comme l'avait fait le mémorable "Zulu", roman paru en 2008. La BD s'ouvre sur la scène choc d'une course poursuite : un fugitif noir est poursuivi par une meute de mollosses baveux. Il n'y a pas de dialogue, aucun mot, tout est dit dans le dessin et les traits précis exprimant la peur et la rage, dans les tons bruns qui suintent la nuit du monde. Des années plus tard, le fugitif est devenu l'homme de confiance du propriétaire terrien Kobus Pienaar. Des années plus tard, la Province du Cap est encore un véritable volcan, le peuple a faim, l'économie est aux mains des Blancs, les positions se radicalisent, les Noirs veulent retrouver leurs terres usurpées. C'est dans ce contexte sulfureux qu'un nourrisson disparaît et que le cadavre d'un ouvrier noir est retrouvé sur les terres des Pienaar. Le lieutenant Shepperd entre en scène. Il est beau gosse, célibataire, boit trop, est amateur de belles carrosseries et de jolies chutes de reins. C'est une grande gueule mais un excellent flic qui ose mettre son pied dans la fourmilière. Son enquête le conduit à Mitchell's Plain, un quartier mal famé, un enfer de tarés, sur le chemin des sangomas, ces praticiens traditionnels en Afrique australe, devins et guérisseurs de tous les maux, qu'ils soient physiques ou spirituels.


Caryl Férey est le maître des atmosphères poisseuses, glauques, où la violence est paroxystique, maître des images qui restent collées à la rétine. Son scénario trouve une expression parfaite dans les dessins de Corentin Rouge qui cadre de façon cinématographique. C'est une succession de courses poursuites, de meurtres, d'enlèvements, de chantage, de fusillades, d'engueulades dans un habillage nuancé de désespoir, de courage, d'amour et de sensualité. Le coup de crayon précis du dessinateur rend les mouvements à la perfection, rend les expressions finement réalistes. Un dessin qui sert à merveille la psychologie approfondie des personnages.

Comme dans ses romans, entre autres "Zulu" et "Paz", Caryl Férey n'invente rien et minimise parfois son propos; la violence qu'il raconte existe réellement et c'est effrayant.

J'aime sa façon de dérouler l'intrigue façon boîte à surprises, jouant avec les suppositions que peut faire le lecteur. J'aime que ses personnages féminins soient couillus, fiers et lucides.

Lisez ! C'est trépidant, ébouriffant et, malgré l'extrême violence, on en redemande.

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