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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Retour à Birkenau" Ginette Kolinka chez Grasset


"Seuls ceux qui ont connu Auschwitz savent ce que c'était. Les autres ne le sauront jamais. Au moins comprendront-ils ?"

Elie Wiesel in "La Nuit"




Ginette Kolinka a aujourd'hui 94 ans et est une rescapée du camp d'Auschwitz-Birkenau, l'une des dernières à pouvoir en témoigner. Un long temps, elle n'a pu en parler; taire c'est ne plus revivre, taire c'est protéger, soi et les autres. Jusqu'à ce jour où la Fondation créée par Spielberg à la suite du film "La Liste de Schindler" la contacte pour recueillir son témoignage; jusqu'à son entrée dans l'Association des Déportés, à la mort de son mari, et la désaffection d'un membre chargé d'accompagner une classe à Auschwitz. Sa parole s'est alors libérée, surtout parce qu'elle espère avoir encore foi en l'Humanité.

Elle raconte ses dix-neuf ans et la déportation dont elle ignorait qu'elle en fut une. Elle était la benjamine de six filles, et elle avoue elle-même qu'elle était gâtée, pas très futée ni bonne élève, une fille simple qui faisait les marchés. Elle est embarquée avec son père de 61 ans et son frère Gilbert, âgé de 12 ans. Elle ne se pardonnera jamais de leur avoir conseillé, en descendant du train, les voyant fatigués, de profiter du camion qui attendait... pour mener les plus faibles directement aux chambres à gaz.

Avec une économie de mots, elle dit les coups de schlague qui brisent les os, la faim et la soif, le travail dur, la crasse, les humiliations, la honte, la terreur, l'odeur de chairs brûlées... la déshumanisation : là, elle n'était plus rien. Elle a vite compris que pour rester vivante, elle devait se faire toute petite, obéir et ne plus penser pour ne pas sombrer dans la folie.

Quand elle en est sortie, elle ne pesait plus que 26 kilos et n'avait plus de sentiments - "Maintenant, je ne pleure plus, je suis un peu dure" (p.75).

Personne ne lui a posé de questions, ni sa mère, ni ses soeurs, ni ses amis. Et ce fut très bien ainsi car raconter lui aurait donné l'impression de tuer une seconde fois son père et son frère.


Un témoignage poignant et nécessaire en nos temps où un antisémitisme décomplexé s'installe. Il pose la question de la mémoire et réaffirme l'urgence de ne pas oublier, éviter le retour d'une haine à l'état pur en passant par l'éducation des jeunes. Le plus beau retour d'un lecteur va dans ce sens : "Je suis votre petite graine".

On peut reprocher à ce récit sans fioriture son côté très factuel. J'aurais aimé que Ginette Kolinka soit plus présente derrière ses mots, plus dans l'émotion, à l'instar de Marceline Loridan-Yvens dans "Et tu n'es pas revenu" et "L'amour après". Je comprends qu'elle veuille tenir l'horreur à distance, en dépit du fait que l'oubli est impossible - elle a toujours son numéro tatoué sur le bras. Elle se dévoile cependant dans des mots terribles qui ne demandent pas de développement, écrivant que si un jour elle a un enfant et qu'une telle situation se représente, elle l'étranglera de ses propres mains...

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