Un recueil de nouvelles stupéfiant d'originalité. Elles sont grinçantes, dérangeantes, étranges, noires, captivantes...
Nous y croisons une enseignante, ivre la moitié du temps et ne dédaignant pas la coke pour oublier un métier qu'elle n'aime pas et un mari qui l'a quittée. Elle travaille dans une école catholique ukrainienne et, ô mon dieu, parle à ses élèves de sodomie et d'éjaculation. Le but est d'instruire, n'est-ce pas ?
Il y a Monsieur Wu, quarante-cinq ans, petit et pas spécialement remarquable, attendrissant dans ses tentatives d'approche de la femme dont il est amoureux, tentatives parfois assez brusques.
Il y a le glandeur professionnel qui invente un numéro de téléphone en remplissant des papiers pour justifier de sa recherche d'emploi et qui, en appelant, rencontre une jeune indienne qui lui fait du rentre-dedans.
Encore cette femme divorcée qui s'est acheté une maison de vacances à Alma, bled paumé et sale où il n'y a rien à voir, rien à faire, à part se fournir en drogues de tous genres auprès des "zombies" du coin. Cette jeune femme engagée pour être la doublure en société du vice-président d'une grande boîte qui ressemble à un pâtre. Cette soeur et ce frère persuadés de venir d'un autre monde et qui doivent trouver la bonne personne à tuer, seule porte pour y retourner.
Ottessa Moshfegh parle de la chute, tant physique que morale, la grande dégringolade inhérente à l'humain. Elle cerne avec talent ce millième de seconde où tout peut partir en vrille, et c'est réjouissant. Ses personnages sont énigmatiques, souvent pathétiques, certains à la limite de la folie, tous semblent inconscients de leurs dysfonctionnements. Elle dit l'amour, le désir, les fantasmes, l'échec, la solitude, l'obsession.... et point n'est de salut. Des nouvelles décalées et foutraques comme le cinéma des frères Coen qui interrogent notre part sombre à l'image du cinéma de Tarantino.
La prose de l'auteure est limpide, le style charmeur. Avec elle, la nouvelle est un art.
C'est déjanté et iconoclaste, on en redemande !
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