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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Ne m'oublie pas" Alix Garin chez Le Lombard


"S'annuleront subitement les milliers de mots qui ont servi à nommer les choses, les visages des gens, les actes et les sentiments, ordonné le monde, fait battre le coeur et mouiller le sexe." Annie Ernaux in "Les Années"

(épigraphe de la B.D.)


Clémence voit sa grand-mère, Marie-Louise, progressivement oublier qui elle est, ce qu'elle a vécu, les grands événements comme les petits détails. Elle est atterrée que sa mère accepte qu'on lui administre une camisole chimique pour éviter qu'elle fugue sans arrêt du home où elle vit désormais. Alors, Clémence décide de kidnapper celle qui l'a éduquée à l'ombre de son amour et de la ramener dans la maison de son enfance dont elle parle comme si elle y résidait encore. Commence une aventure qui va ouvrir à une nouvelle intimité, celle d'une jeune femme adulte avec sa grand-mère qui, un jour, a eu son âge. Au cours du périple, Clémence pense à sa mère à qui elle reproche le peu de temps qu'elle consacre à sa famille, toute dévouée à ses patients - elle est médecin généraliste; elle se mesure au corps vieillissant, fuyant, abandonnant, ce corps qui a aimé et été aimé.


"Comment était sa première fois ? Quelles furent ses plus grandes peines ? J'aimerais le savoir mais je ne peux pas. C'est impossible d'en parler. C'est interdit. Peut-être que c'est pour ça que j'aime l'art et le théâtre. Pour avoir l'occasion de parler de l'intime sous le couvert de la fiction... en apprendre plus sur ses propres failles au travers de celles des autres. Savoir qu'on n'est pas seul, qu'on n'est pas unique non plus."


Clémence n'ose pas parler à sa grand-mère qui lui demande comment vont ses amours. Ses peurs, ses doutes, sa difficulté de s'affirmer lesbienne terrifiée par le regard méchant des autres, elle tait tout cela à celle qui lui conseille d'être prudente parce que "c'est dur l'amour, parfois".


Alix Garin nous offre son humanité, sa tendresse et sa profonde empathie dans "Ne m'oublie pas" où se mêlent pudeur et humour. Elle a fait le choix de tons doux, de peu de mots et, à certains moments, efface le décor pour faire un focus sur le personnage, sa prise de conscience soudaine du temps qui passe. Autant de moyens scénaristiques qui suggèrent plutôt que disent, faisant émerger l'émotion avec plus de force. Cette B.D. est un petit bijou qui nous parle de nous, de nos choix de vie, du regard que nous posons sur nous et l'autre, de la force de l'amour, de la beauté de l'empathie, du temps qui passe et jamais ne se rattrape... Un roman qui m'a rappelé l'un des beaux romans de David Foenkinos - quand à ses débuts il écrivait des romans et pas des scénarios -, "Les souvenirs" dans lequel le narrateur fugue avec sa grand-mère.


"Est-ce que ça arrive à tout le monde de se regarder dans la glace et de se dire : "C'est moi" ou bien : "Voilà, ça, c'est moi". Est-ce que tout le monde fait ça ? Est-ce qu'on fait ça seulement quand on a vingt ans ? Est-ce que ça dure toute la vie ?"


" 'Trop tard' arrive plus vite qu'on le croit."








Le myosotis signifie "ne m'oublie pas"

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