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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Mon traître" de Pierre Alary chez Rue de Sèvres


Sorj Chalandon écrit dans la préface : "Difficile de mettre une blessure en scène. Parce qu'elle vous hante, vous obsède, vous empêche jour et nuit de continuer à espérer."


Difficile en effet de dessiner l'injustice, la colère et la sidération ressenties par celui qui est trahi. Pierre Alary réussit le défi avec maestria.


Antoine, jeune luthier parisien, rejoint des amis à Belfast. Ce sont les années 70, les Irlandais ont un masque de guerre, personne ne pleure, tout le monde serre les dents.

Antoine, naïf et passionné, est immédiatement attiré et fasciné par Tyrone Meehan, l'un des leaders de l'IRA, un homme charismatique, véritable héros aux yeux de tous, comme l'était son père. Il sera pour lui un mentor, un ami, un père.


"Je ressemblais à l'un d'eux. Je me suis aimé comme ça. Je retrouvais en moi quelque chose qui sommeillait depuis toujours." p.42


Leur amitié est naturelle, forte, sacrée. Et, en dépit du fait qu'il trouve que ce combat n'est pas celui d'Antoine, Tyrone l'accepte et le protège.

Quand, deux décennies plus tard, Antoine apprend par l'intermédiaire d'un article de journal que Tyrone est un traître, il éprouve un "atterrement" - véritablement puisqu'il s'effondre sur le sol. Tyrone a, pendant 25 ans, agi pour le compte des Anglais, trahissant sa famille, ses amis, ses camarades, le combat de son père.

Passé le moment de consternation, les questions pleuvent, Antoine veut comprendre : pourquoi, certes, surtout qu'est-ce que trahir ? d'où vient le poison ? est-ce un combat ou un genou en terre ? comment fait-on pour vivre après ?


Une BD aux traits vifs et simples qui adapte avec une émotion palpable l'excellent et touchant roman de Sorj Chalandon. Son histoire d'amitié, la trahison avec et de Denis Donaldson, authentique soldat de l'IRA, qui a collaboré avec le MI5 et fût exécuté par un commando en 2006.

Les phrases sont concises, les dialogues peu nombreux. La narration se fait sur un double tempo : le point de vue d'Antoine et les pages de compte-rendu de l'interrogatoire de Meehan par l'IRA.

Les tons naturels, un camaïeu de verts, jaunes et bruns... comme un automne qui touche le plus profond de l'âme.


"Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. Mais on en a tous un bien planqué dans notre ventre. Le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce." p.133


Formidable !

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