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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Lettre d'amour sans le dire" Amanda Sthers chez Grasset


Pour la première fois, Alice Cendres ose être elle-même, totalement, sincèrement. C'est une libération qui la bouleverse tant qu'elle ne peut retenir ses mots, ces mots destinés à l'homme à l'origine de la renaissance, à dire vrai de la naissance à soi. Alors, elle écrit une longue lettre où elle se raconte, se livre, se met à nu pour celui devant lequel elle aurait tant aimé le faire, en pages "légères, graves ou impudiques", il y a un an de cela.

Elle le rencontre un 16 octobre pluvieux, à l'image de ses émotions. Fuyant la pluie, elle entre dans un salon de thé, Ukiyo. Après un thé au goût surprenant, elle se voit invitée à entrer dans une petite pièce, à la décoration sobre, à la chaleur enveloppante et revêt le pyjama de soie que la maîtresse des lieux lui tend. L'hésitation passée, elle décide de rester. Un homme arrive, un Japonais, Akifumi sur le visage duquel elle devine la douceur mêlée à l'autorité. Elle est fragile, dans un état d'épuisement avancé et la séance de shiatsu qu'il lui prodigue la reconnecte à elle-même. Les rendez-vous qui suivent l'enflamment peu à peu d'une énergie qu'elle ignorait posséder. Il ne connaît que peu de mots de français, ce sont ses mains qui parlent à son corps. Son coeur s'ouvre et l'amour fleurit, d'une intensité jamais encore éprouvée. Elle veut plus, sentant son vif intérêt, et pour savoir converser avec lui elle apprend sa langue. Un an plus tard, la voilà fin prête à se lancer, hélas l'homme aimé est retourné dans son pays. Il lui a d'ailleurs offert quelques origamis dont le dernier est une grenouille. Mais"kaeru" signifie aussi "retourner à la maison", elle l'ignore alors. Avant que le salon de thé ne ferme définitivement ses portes, elle obtient son adresse et lui écrit une lettre dont elle ne sait si elle le trouvera. Elle y parle d'elle comme elle ne l'a jamais fait, elle lui dit ses douleurs et ses évitements, cette vie qu'elle ne vivait pas jusqu'à lui. En silence il l'a comprise, tant il est vrai que "(...) seul un être brisé peut en réparer un autre. On ne comprend la douleur que si on l'a fréquentée." Elle lui raconte des bouts de sa vie, voir s'ils peuvent s'accorder avec la sienne. Et elle espère qu'il devinera ce qu'elle tait.


"On m'a dit qu'au Japon, les gens qui s'aimaient ne se le déclaraient pas. Qu'on évoquait l'amour tout autour, l'état amoureux comme une chose qui dépasse les êtres, les enveloppe, les révèle ou les broie. On ne dit pas "je t'aime" mais "il y a de l'amour", comme il y a du soleil."


131 pages de délicatesse, d'élégance et de poésie pour dire une vie malmenée, le gouffre si proche - Alice est une jeune grand-mère de quarante-huit ans, mal à l'aise dans ce rôle, en colère parce qu'elle n'a pas vraiment vécu sa vie de femme, toujours en retrait, silencieuse -, et la lumière chaleureuse d'une rencontre inattendue si salvatrice. Un beau livre qui, à mots feutrés, dit la violence sourde, la manipulation, le cruel manque d'amour, aussi la porte ouverte vers un autre horizon...


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