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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Les Victorieuses" Laetitia Colombani chez Grasset


"On mesure les grands amours et les grands projets à l'aune des risques que l'on prend pour eux."


Deux femmes, Solène et Blanche. Un personnage de fiction et un nom dans l'Histoire. Presque un siècle les sépare, un même lien les unit : le Palais de la Femme., sis dans le 11e arrondissement de Paris.


Blanche Roussel est née à Lyon en 1867. Son père, pasteur, meurt lorsqu'elle a onze ans. Adolescente aventurière et mondaine, elle fera les 400 coups avec sa meilleure amie jusqu'à sa rencontre avec Catherine, surnommée "La Maréchale", fille aînée du pasteur anglais Thomas Booth, fondateur de l'Armée du Salut. Blanche est ébranlée, impressionnée, conquise : elle fera de son engagement dans le mouvement une mission. De santé fragile, son énergie sera cependant inépuisable et sa volonté sans faille, même si parfois ses actions lui semblent dérisoires face au flot toujours grandissant des demandeurs. Chaque geste en vaut la peine. Avec acharnement, elle se bat pour récolter les fonds nécessaires à l'achat d'un énorme bâtiment de 743 chambres à l'abandon, elle frappe à toutes les portes, convainc politiques et industriels. En juin 1926, le Palais de la Femme est inauguré, refuge des plus démunis, îlot de paix toujours actif à ce jour.

En miroir à Blanche, Laetitia Colombani invente Solène, la petite quarantaine, avocate dans un Cabinet de renom, ayant renoncé à la maternité par amour pour Jérémy qui a fini par la quitter. Lorsqu'un homme d'affaires qu'elle défend pour fraude fiscale est sévèrement condamné et se suicide sous ses yeux au sortir de la salle d'audience, Solène sombre et remet en question sa vie, vie qu'elle considère vide, non habitée. Certes, elle a un métier rémunérateur, un bel appartement, un compte épargne dodu. A vrai dire, elle exerce ce métier pour plaire à ses parents qui jugeaient futile son choix d'être écrivaine; ce métier trop prenant fait qu'elle n'a plus de temps pour elle, qu'elle a vu ses amis s'éloigner; elle a fait une croix sur un possible enfant pour satisfaire un homme qui n'est plus à ses côtés. Pour être aimée, elle est devenue celle que l'on attendait qu'elle fut. Mais qui est-elle ? Tout cela n'a pas de sens !

Pour redonner à sa vie le sens qu'elle n'a pas, son psychiatre lui conseille le bénévolat. D'abord réticente, elle accepte la proposition de Léonard, responsable de l'association La Plume Solidaire, d'être écrivain public au Palais de la Femme. Solène, qui n'avait de la pauvreté qu'une idée toute intellectuelle, entre là dans le monde de la précarité, là où deux euros sont une fortune, un monde où ses propres chagrins lui semblent démesurés - les femmes qu'elle rencontre vont lui apprendre qu'ils ont aussi le droit d'être entendus. Les aider lui permettra de se relever et de se redéfinir.


Je suis loin d'être époustouflée par le style de Laetitia Colombani. Ses romans ne sont pas pour moi des pépites que je conserverai précieusement. J'avoue cependant qu'ils sont plaisants à lire en raison de leur profonde humanité, parce qu'ils mettent le doigt sur certains dysfonctionnements de notre société. Elle nous parle d'empathie, de don de soi, de générosité et cela fait beaucoup de bien.

Le message est d'émotion et positif : dans notre monde précaire et tumultueux où rien n'est tranquille, si nous sommes perdus, il est possible de se retrouver, de reconquérir notre part intime. Notre vie nous convient-elle ou nous en persuadons-nous ?

Elle nous apprend que sortir de notre zone de confort est source de rencontres qui nous débusquent et nous font venir à l'essentiel.


"Vous qui passez dans ce monde,

Poursuivez vos chants et vos rondes.

Je suis là, dans le silence et l'ombre,

Et je prie, pour qu'au milieu du fracas et du bruit

Si d'aventure, vous veniez à tomber,

Une main se tende, douce et puissante,

Une main amie,

Qui vous agrippe et vous relève

Et vous renvoie sans vous juger,

Dans le grand tourbillon de la vie,

Où vous continuerez à danser."


Soeur anonyme, Couvent des Filles de la Croix, XIXe siècle



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