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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Le coût de la vie" Deborah Levy aux Editions du sous-sol


Deborah Levy a entrepris une oeuvre d'autobiographie littéraire et élégante, celle écrite non avec un recul mais dans la tempête même de la vie. Après "Ce que je ne veux pas savoir" qui parlait d'exil - sa famille a fui l'Afrique du Sud -, d'amour et de la découverte de l'écriture, sa libération, elle revient avec "Le coût de la vie" où elle continue son dessein de recréation de soi.

Elle y raconte son divorce, à cinquante ans, par volonté de ne plus être un personnage secondaire, pour s'échapper d'un navire qui gîtait et éviter la noyade certaine.

"Pour moi, il n'y aura pas de fin au deuil de ce vieux désir de vivre un amour durable qui ne réduirait pas ses personnages principaux à moins que ce qu'ils sont."

Etre l'ange bienveillant du foyer a décalé son regard d'elle aux autres. La rupture la remet en pleine lumière, le "nous" redevient "je". Que faire de ce "je" ? Si Deborah Levy est écrivaine, elle est avant tout femme et nous partage son quotidien avec son lot de contrariétés domestiques - un appartement sur les hauteurs de Londres, lumineux mais sis dans un immeuble en perpétuelle rénovation, les factures qui pleuvent... Il lui faut repartir de neuf, construire un nouveau foyer pour ses filles, apprivoiser le vide quand elles ne sont pas là. Elle se découvre un regain d'énergie, s'achète un vélo électrique qu'elle chevauche comme une monture fougueuse lui offrant de ressentir la liberté, sans cependant se leurrer - "La liberté n'est jamais libre. Quiconque s'est battu pour être libre sait ce qu'il en coûte."

Elle renoue avec la plume quand Lelia, une amie, ancienne actrice et libraire, force de la nature de quatre-vingt ans, lui propose d'occuper le cabanon au fond de son jardin, où son mari écrivait. C'est là qu'elle se lance dans le récit à la première personne. Elle réfléchit à ce qu'elle a perdu, à ce qu'elle peut retrouver d'elle. En tenant compte de ses valeurs et de ses désirs, elle réassemble peu à peu les pièces éparpillées, l'écriture l'aidant à se considérer sous un angle différent. Elle nous parle des exils qui nous éloignent de nous-même, des fossés où peuvent nous précipiter certaines personnes, comme nous-même, et de l'inévitable point de rupture, prise de conscience d'où naît le désir de se réapproprier son identité.

Avec vivacité et sans complaisance, elle aborde la vie et ses écueils, l'amour et ses douleurs, et s'intéresse particulièrement à la féminité "écrite par les hommes et jouée par les femmes", affirme la nécessité de la redéfinir. Elle est étonnée de constater que beaucoup de ses amis hommes ne nomment pas leurs compagnes, usant de "mon épouse", "la petite amie de"... Sans nom, qui sommes-nous ? Elle se penche sur la dichotomie féminin- masculin et pense le rôle de la femme à hauteur de son propre vécu, avec sincérité et une douce ironie.

"Quand une femme doit trouver une nouvelle façon de vivre et s'émancipe du récit sociétal qui a effacé son nom, on s'attend à ce qu'elle se déteste par-dessus tout, que la souffrance la rende folle, qu'elle pleure de remords. Ce sont les bijoux qui lui sont réservés sur la couronne du patriarcat, qui ne demande qu'à être portée. Cela provoque beaucoup de larmes, mais mieux vaut marcher dans l'obscurité noire et bleutée que choisir ces bijoux de pacotille."

De son singulier, elle fait un tremplin pour atteindre un plus large horizon, parlant à tous, gardant en mire cet essentiel : "Se désengager de l'amour revient à vivre une vie dénuée de risque. A quoi bon vivre, dans ce cas ?"

La vie a un coût et en vaut la peine...





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