Dans son roman "Police", paru chez Grasset en 2016, Hugo Boris évoquait déjà de courage. Trois gardiens de la paix, Virginie, Erik et Aristide ont pour mission d’escorter un étranger à l’avion qui va l’expulser. Ils savent que cette expulsion signe son arrêt de mort. Le huis-clos sous tension, leurs tempêtes personnelles vont les mettre face à eux-mêmes et leur volonté de se rester fidèle. Un roman percutant qui nous montre ce qu'est choisir.
Le ton est différent ici puisque l'auteur nous parle de lui, de son défaut de courage, et ses mots ne sont pas tendres : "() je suis une merde, une lavette, un faible, un infirme. Je suis malade de la peur. J'ai la maladie de la peur. Je suis devenu la proie de ce mot. Ma propre réaction me terrorise, me dévirilise, me tend mon reflet authentique, celui d'un pauvre mec sans couilles au cul. Si lâche, si friable."
Pendant des années, ses manquements le taraudent, le rongent. Regardant autour de lui, il voit tous les actes courageux accomplis par d'autres avec une acuité d'autant plus vive qu'elle lui vient de sa honte. Honte de rester tétanisé, honte de ne pas intervenir. Il prends des notes, témoignages de ce qu'il appelle sa veulerie : par exemple, ce grand brûlé totalement défiguré qui ose sortir tête nue; cet homme qui ose se déclarer homosexuel face au mépris aviné d'un clochard belliqueux, déclenchant une inattendue vague de soutien; cet ami qui ose s'interposer entre quatre malabars et un pauvre quidam qu'ils veulent dépouiller, son assurance lui conférant une autorité naturelle... Hugo Boris a trop longtemps fait partie du troupeau aux regards fuyants, de ceux qui descendaient à un arrêt qui n'était pas le leur ou changeaient de wagon. Quand il est devenu père, il a tiré une force de la présence de son fils, prêt à le défendre bec et ongles.
Le courage n'est pas inné, il n'est pas obéissance à une prédisposition mais apprentissage, expression et affirmation de soi. Il est force morale et véritable épreuve du coeur, dans le sens d'organe noble, siège de notre vie intime la plus profonde. Faire preuve de courage, c'est avoir peur mais y aller malgré tout, c'est dépasser cette peur. Il prend différentes formes : il y a le courage du résistant, celui de surmonter un handicap ou la maladie, celui d'assumer sa façon de voir, celui de dire la vérité, celui de dire non... Le courage est cette vertu entre la lâcheté - là où l'on s'invente des raisons, là où l'on réfléchit laissant passer le geste - et la témérité - où l'on fonce tête baissée au risque de mal faire. Le courage s'éprouve, il ne demande pas réflexion. Le courage est une éthique de vie.
Cher Hugo Boris, avoir écrit ce livre est un acte de courage.
"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel." Jean Jaurès
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