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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Le Consentement" Vanessa Springora chez Grasset


J'entre dans la lecture de ce genre d'écrit à reculons, je ne me sens pas à ma place dans l'intime des autres, sauf à y trouver des échos de mon vécu.

J'ai lu "Le Consentement" en raison du battage médiatique qui a suivi sa publication, des passions qu'il a déchaînées. Je l'ai lu pour faire ma propre opinion, hors du bruit ambiant, je l'ai lu parce que le sujet est grave, d'une actualité brûlante et dérangeante, et parce que je connaissais Gabriel Matzneff, son aura sulfureuse et son impunité.

J'y ai trouvé pudeur, désarroi et sensibilité. Vanessa Springora ne verse pas dans le glauque, le grand déballage et le revanchard. Avec des mots choisis, simples et forts, elle raconte ses quatorze ans, son peu d'assurance, son manque cruel d'amour entre un père aux abonnés absents et une mère plus préoccupée par sa vie sociale que par sa fille - "Le manque, le manque d'amour comme une soif qui boit tout, une soif de junkie qui ne regarde pas à la qualité du produit qu'on lui fournit et s'injecte sa dose létale avec la certitude de se faire du bien. Avec soulagement, reconnaissance et béatitude." Eperdue de solitude, elle se raccroche au regard bleu intense de G.M. et trouve refuge dans ses mots d'amour. Il se veut son initiateur dans tous les domaines, son maître à penser et maître ès sexe. Elle découvre vite sa vraie nature, la face sombre du chevalier servant. Elle sort de ces quelques mois de relation laminée, dégoûtée d'elle et déconnectée de son corps. Il lui faudra de longues années, un désert de souffrance, pour réapprendre à faire confiance.

Le femme qu'elle est aujourd'hui tente de se détacher de l'adolescente d'alors pour fuir les démons et calmer la rage. L'ogre s'est inspiré de leur histoire pour alimenter son journal intime ? Qu'à cela ne tienne ! elle en fait à son tour un personnage de papier.


"Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre."


Peut-être ne se libère-t-on jamais de la manipulation et de l'abus. Certains vécus sont à jamais gravés au creux du corps. Il est cependant possible de se reconquérir " parce qu'écrire, c'était redevenir le sujet de ma propre histoire. Une histoire qui m'avait été confisquée depuis trop longtemps."


J'ai refermé le livre en saluant le courage de Vanessa Springora à affronter la page blanche et le regard du public. J'ai refermé le livre en maudissant les parents fuyants et le monde intellectuel de l'époque complice, soutenant des pédophiles, signant une pétition en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre mineurs et adultes. Consternée d'apprendre que Simone de Beauvoir et Françoise Dolto avaient signé et que la presse a relayé sans aucun regard critique plaidant qu' "un média n'est jamais que le reflet de son époque". Autant d'intellectuels, autant d'organes de presse qui font aujourd'hui leur mea culpa.

Personne n'a droit à l'impunité et la littérature n'excuse rien.


"La littérature se place au-dessus de tout jugement moral, mais il nous appartient, en tant qu'éditeurs, de rappeler que la sexualité d'un adulte avec une personne n'ayant pas atteint la majorité sexuelle est un acte répréhensible, puni par la loi."


Quand une femme parle, elle en inspire une autre...

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