En Islande, le métier de sage-femme se transmet de mère en fille. Dýja fait partie de la quatrième génération de sages-femmes de sa famille, elle vient de mettre son 1922e bébé au monde, à la lumière. Cette lumière qui fait partie du mot sage-femme en islandais : "ljós" lumière et "móðir" mère, les sages-femmes sont les mères de la lumière; "ljósmoðir", le mot élu par les Islandais en 2013 comme le plus beau de leur langue.
Il est beaucoup question de lumière dans le délicat et beau roman d'Ólafsdóttir : celle donnée à la naissance, celle énigmatique au coeur des trous noirs, celle de l'intelligence.
Dýja est une femme généreuse, assez solitaire, qui a connu de profondes douleurs. Elle fait partie d'une famille où il est de tradition de s'occuper de l'humain, tant en vie que mort. Son grand-père paternel a en effet fondé une entreprise de pompes funèbres que ses parents ont reprise.
"La branche maternelle prend l'homme en charge lorsque la lumière s'allume et la branche paternelle prend le relais lorsqu'elle s'éteint."
De quoi donner matière à moult réflexions sur le sens de la vie, sur notre nom "qui un jour ne dira plus rien à personne". Les écrits de son excentrique tante, Fífa, qu'elle se décide à ouvrir quelques années après sa mort, vont lui ouvrir certaines portes - "Plus j'essaie de reconstruire le puzzle de sa vie, plus je me pose de questions."
Car tante Fífa cogitait ferme sur véritablement tout : le mystère et la beauté de la naissance comme de la vie, la fragilité de celle-ci, les cétacés - qui jouent aussi un rôle de sage-femme lorsque naît un petit, l'accompagnant à la surface pour qu'il puisse respirer -, les mondes végétal et animal exploités et détruits par l'humain, les hasards et les coïncidences, Dieu, la lumière - "Personne ne sait exactement ce qu'est la lumière. On peut la mesurer, mais pas la comprendre" -, la force de l'amour, notre impuissance face aux éléments qui se déchaînent...
Auður Ava Ólafsdóttir nous offre à nouveau un roman aussi délicat que la plus fine des dentelles et nous parle, simplement et avec poésie - merci à Éric Boury de traduire la si belle littérature islandaise -, de nous, humains sans cesse en quête de sens et qui, à force d'insatisfactions, ne voient plus les beautés qui existent bel et bien autour d'eux, comme ces heureux hasards qui n'en sont pas vraiment parce que les ponts se présentent à nous au moment où nous sommes prêts à les franchir. Elle nous dit que la vie n'est pas d'une seule forme mais comprend mille nuances telles celles du blanc, encore des types de brouillards.
L'auteure nous parle du plus magnifique événement jamais arrivé, la naissance et toutes les éclosions, la vie qui palpite fruit de l'amour. Parce qu'au final et depuis que le monde est monde, il n'est question que de cela : l'amour.
"Au cours de ma longue existence, j'ai cherché à comprendre pourquoi l'homme vient au monde. Je le comprends, je le comprends maintenant, j'ai enfin l'impression d'y voir clair : l'homme naît pour aimer."
"Chaque vie qui s'allume est un univers. Chaque vie qui s'éteint est une galaxie."
"On dit que l'homme ne se remet jamais d'être né. Que l'expérience la plus difficile, c'est de venir au monde. Et que le plus difficile ensuite, c'est de s'habituer à la lumière."
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