2015, au Québec. Xavier travaille chez Hélie, un bar qui n'a plus vraiment la cote. C'est un beau gars d'un mètre nonante-cinq qui n'a plus approché une fille depuis une sombre histoire datant d'il y a seize ans. A l'âge de trente-cinq ans, bien malgré lui, il vit dans la chasteté. Et puis une étrange et séduisante jeune femme débarque un soir. Elle a les cheveux rouges, dit s'appeler Fanny, a sur l'une de ses mains un dinosaure tatoué et s'amuse de défier les hommes en descente de shots - l'immonde "cerveau", un mélange presque mortel de schnaps à la pêche, de Baileys et de grenadine. Il est intrigué et se surprend à l'attendre...
Zack, le frère aîné de Xavier, est un séducteur compulsif à la libido insatiable. Il a écorché quelques coeurs avant de rencontrer Charlie qu'il a épousée. Ils sont très amoureux l'un de l'autre et se laissent toute liberté dans des aventures extraconjugales qui satisfont leurs fantasmes et pimentent leur vie sexuelle commune.
Louis, leur petit frère, a beaucoup de mal à rester avec la même fille plus de six mois et sème des enfants au gré du désir de ces dames, au grand dam de sa mère qui lui parle régulièrement de vasectomie.
Ladite mère Alice a quitté Matthew, le géniteur de ses trois fils, alors qu'elle était enceinte du dernier, ayant appris de sa bouche qu'il allait être également père avec sa maîtresse. Elle s'est tournée vers Jacques qui l'aime en secret, pour lequel elle n'éprouve rien qui ressemble à l'amour mais qui lui offre la sécurité.
Bastien est le neveu de Clara. Il a treize ans lorsqu'il pose sur elle un regard d'homme. Il trouve fascinante cette fille qui assume sa sensualité et ne cache pas ses nombreuses aventures. Il a vingt-et-un ans quand il ose lui avouer ses sentiments. Elle reste bouche bée, ne l'encourage pas. Il revient encore et encore, elle se dit que malgré leur lien de parenté elle est attirée par lui. Bravant leurs doutes et le regard des autres, ils finissent par vivre leur amour au grand jour.
Marie-Eve Thuot nous offre un roman captivant qui happe dès les premiers mots. En dehors des quelques cinquante dernières pages un peu exagérées selon moi, il est impossible de décrocher de la compagnie de ses personnages, que l'on soit en totale empathie avec eux ou révolté par certains comportements. Elle aborde les thèmes de la famille, de la féminité, de l'amour et des différentes formes de la sexualité avec finesse et aisance, nous montrant comment les regards ont changé au fil du temps, comment les femmes en sont arrivées à avoir prise sur leur corps. Elle nous parle de jalousie, d'orgasme, de ce qui fait que l'on tombe amoureux, de l'usure des sentiments... Elle pointe les disparités entre hommes et femmes; de cette période où la croyance populaire attribuait le sexe pécheur aux femmes parce que ce sont elles qui incitent au mal; de l'anormalité d'une femme qui ne veut pas enfanter; de la stigmatisation en termes pathologiques de la femme qui assume ses désirs : elle est nymphomane ! Alors que l'homme qui se laisse conduire par sa queue est un Casanova, un Don Juan ? Que nenni, usons désormais du terme exact, cet homme est un "satyriasis" ! Elle s'attache également au rôle de parents, s'interroge sur les raisons qui nous disent prêts à sauter le pas, sur les motivations qui nous guident.
Un roman riche, vivant, enrichissant sur l'amour et ses pluriels.
"Pourquoi deux personnes tombent-elles amoureuses ? Certains parlent de coup de foudre, de prédestination, d'atomes crochus, d'âme soeur. D'autres préfèrent croire à un amour qui se développe avec le temps et à la complicité qui se fortifie au fil des années. La science accuse plutôt le cerveau, les hormones, ou invoque la survie de l'espèce. Quoi qu'il en soit de la cause profonde, l'élément qui déclenche la prise de conscience est souvent un détail."
"Tant que les êtres voudront se posséder les uns les autres, nous en resterons là."
Ton billet éveille la curiosité. Merci pour ce coup de coeur !