Les histoires mêlées d'Aude Mermilliod et de Martin Winckler dans une B.D. aux dessins de facture simple qui soulignent avec justesse le propos.
En 2011, Aude est serveuse dans une brasserie à Bruxelles. Après trois ans de vie commune, Jonathan l'a quittée, la laissant déglinguée. Avant que son canapé ne devienne son meilleur ami, elle sort et enchaîne les relations, dans un joli mouvement d'oubli de soi. Jusqu'à Christophe et la défection du stérilet : la voilà enceinte. Et ce n'est pas du tout prévu au programme ! Elle passe par différents états, de la consternation à la panique, après un crochet par le "pourquoi pas" - est-ce qu'un enfant remplirait sa vie ? Finalement, elle décide de ne pas garder ce futur possible à qui, en jouant avec un crayon, elle a trouvé un prénom (Eli).
L'IVG pratiquée par un médecin aux gestes mécaniques est incomplète et lui provoque des hémorragies. Arrivée aux urgences, la peur au ventre, elle se voit malmener par une gynécologue donneuse de leçons et dénuée d'empathie. Pour la bienveillance, il faudra repasser !
L'envie lui vient de ne pas en rester là et de se servir de son talent de dessinatrice pour témoigner de la façon dont les femmes qui se veulent libres de leur corps sont traitées. En 2017, elle part à Montréal rencontrer Martin Winckler qui y est installé depuis dix ans. Elle lui demande de collaborer à son projet. Il accepte immédiatement, très concerné par le sujet depuis longtemps.
En effet, en 1974, étudiant en fac de médecine, il constate que les filles ont changé, qu'elles veulent décider de leur sexualité. Aussi que ce qui est simple pour certaines ne l'est pas pour d'autres. Il a suivi avec attention les débats sur l'IVG et la contraception et décide d'approfondir, lisant les écrits avant-gardiste américains et apprenant beaucoup en parlant avec ses amies. Pendant son internat, il prend conscience de l'importance de ne pas juger mais d'écouter, de rassurer et d'enseigner aux femmes les moyens à leur disposition. Il se bat encore à ce jour contre la dureté des propos de certains médecins envers leurs patientes, voire leur mépris, et contre les violences obstétricales.
Une B.D. indispensable en nos temps où le droit à l'avortement se voit abrogé dans beaucoup de pays. Il faut continuer à lutter contre des pensées moyenâgeuses et l'intégrisme religieux qui veulent ôter aux femmes le droit de posséder leur corps.
Il y a dans les propos la beauté des nuances : décider d'avorter n'est pas anodin, on entre dans le territoire des émotions brutes où certitudes et espaces confus fusionnent. Parce qu'avorter, c'est vivre un deuil.
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