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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Girl" Edna O'Brien chez Sabine Wespieser


Une voix parle. Elle fuit, elle se raconte... ce jour, marqué dorénavant au fer rouge, où les soldats djihadistes sont entrés dans le dortoir, impitoyables, cherchant les garçons et, à défaut de leur mettre la main dessus, emportant les filles qui peuvent servir. Maryam est l'une d'elles. Elle sera violée, asservie, mariée de force à un soldat méritant. Dans les premiers temps, elle tient grâce à un petit carnet qu'elle a réussi à garder et dans lequel elle serre les mots, grâce aussi aux souvenirs heureux, lumières dans le noir. Et ensuite, vite, il s'agit d'éviter la descente dans la folie, il faut se sauver avant de se perdre totalement. Son mari, Mahmoud, l'y aidera. Elle s'échappe avec sa fille Babby et son amie Beki qui ne survivra pas. Maryam revient dans son monde d'avant transformée et les regards sur elle ont changé. Elle se pensait au bout de ses peines, pourtant les souffrances s'ajoutent quand elle se voit rejetée par sa famille, quand elle apprend que son père est mort de chagrin, que son frère a été assassiné alors qu'il négociait sa libération, quand son oncle la séquestre parce qu'elle se rebelle contre l'enlèvement de sa fille. Cette petite qu'elle a fini, contre toute attente, par aimer, sera le détonateur : pour elle, elle va se faire lionne.


Edna O'Brien nous offre un roman coup de poing, s'inspirant de ce tragique évènement : le rapt par les fanatiques de Boko Haram, en avril 2014, de 276 lycéennes à Chibok ,ville sise au Nord-est du Nigeria. Elle se glisse dans la peau de l'une d'elles et nous raconte l'histoire vue de l'intérieur, une histoire atroce autant que magnifique. Elle témoigne des violences et des injustices faites aux femmes, violences morales, psychiques et sexuelles pour celles considérées comme des armes de guerre. Elle dit avec délicatesse et lucidité la détestation de soi engendrée par des situations avilissantes, le doute quant à la capacité de pouvoir encore ouvrir son coeur, la douce descente dans la perte de contrôle - "Je suis incapable de prier dans ma vieille langue car ils nous ont bombardées de leurs prières, leurs édits, leur idéologie, leur haine, leur piété."-, la déshumanisation, la force que l'on découvre au fond de soi pour encore avancer, rugir. Un apprentissage de la liberté au coeur des ténèbres.

L'histoire de Maryam, femme-enfant devenue guerrière, restera longtemps dans ma mémoire, de même que sa confession comme un long cri.

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