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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Fantaisie allemande" Philippe Claudel chez Stock


Une "fantaisie" en musique désigne une oeuvre assez libre, proche de l'improvisation, où domine la subjectivité du compositeur, s'affranchissant des règles strictes que l'on devine cependant en filigrane.

"Fantaisie allemande" est un savoureux recueil de nouvelles, écrites à divers moments, toutes reliées par une même thématique, et un même prénom, Viktor.


Nous y rencontrons un homme blessé, un soldat allemand déserteur et en fuite depuis deux jours et deux nuits, "deux jambes allant sur la terre, un corps en mouvement, surmonté d'une tête brûlante et sale, où quelques pensées anxieuses tournaient en rond comme dans une cage" - Viktor est le prénom du chef du camp d'où il s'est enfui; un nonagénaire qui se souvient avec bonheur de ses quinze ans et de la femme brune dont il n'a jamais su le nom ni le prénom, rencontrée lors d'un concert, à laquelle il doit son premier vertige sexuel et son amour des femmes, aussi son dernier émoi - "Voilà comment se clôt la vie, Anne : tout se résume et se rejoint" - Viktor est le prénom du mari de cette femme, probablement mort à la guerre; Irma, une fille de dix-sept ans issue d'une famille difficile, pas très intelligente ni très jolie, qui se pense libre mais se retrouve enceinte par inconscience - Viktor est celui dont elle a la charge au home où le maire a réussi à la faire embaucher; un artiste du début du XXe siècle, interné par les Allemands en hôpital psychiatrique, dont un écrivain doute de la date réelle de la mort, les nazis détruisant le présent "pour mieux réécrire l'avenir" - Viktor est un employé de l'hôpital psychiatrique; une gamine dont l'âge n'a pas atteint deux chiffres, adoptée par une femme qui marque peu sa tendresse, et qui garde dans un mouchoir imaginaire des souvenirs de sa famille - Viktor est le soldat qui l'a sauvée.


Des nouvelles d'excellence, ciselées d'émotions, qui parlent de notre humanité et de ce que nous faisons de l'humain en nous. Est-on coupable d'avoir obéi ? de ne pas avoir obéi ? d'avoir peiné à distinguer le bien du mal ? Philippe Claudel nous parle du poids de l'Histoire et des rôles qu'elle fait jouer aux hommes, de la responsabilité et de tous les dommages collatéraux; de mémoire personnelle et collective; des résonances du passé dans notre présent et de ce qu'elles peuvent nous faire porter de culpabilité, des tourmentes qui nous poursuivent; de la capacité extraordinaire de l'homme à faire le mal, de cette incohérence profondément illogique : l'homme crée, l'homme détruit.

Et la beauté de s'en faire le témoin et de pousser à la réflexion grâce à la littérature...

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