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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Dévorer le ciel" Paolo Giordano chez Seuil


Thérésa passe les étés dans les Pouilles, à Speziale d'où est originaire son père et où vit toujours sa grand-mère paternelle, cette femme taiseuse prompte à deviner ce qu'elle tait. Sa mère choisit de rester à la ville, préférant l'ingénieur qu'elle a épousé à cet homme de la campagne qui tombe le costume et vit à moitié nu avec une barbe de quelques jours.

Là, sur ces terres d'oliviers, d'amandiers, de chaleur de plomb, Thérésa se lie d'amitié avec le trio formé de Tommaso, Nicola et Bern. Nicola est le fils de Cesare, sorte d'illuminé, aventureux mélange de bouddhisme et de catholicisme qui vit en autarcie dans une ferme. Contre rétribution, il a "adopté" Tommaso et Bern auxquels ils fait lui-même la classe. Jusqu'à ce que Bern se révolte contre ce père de substitution et sa religion envahissante et paralysante. Pour lui, "Dieu est une invention banale. Seuls les vivants ont raison." (p.105), il veut vivre comme il l'entend et "dévorer le ciel". Bern disparaît du jour au lendemain, au grand désarroi de Thérésa qui s'est donnée à lui et espérait un avenir commun. Elle cesse d'accompagner son père en villégiature. Quand sa grand-mère meurt, elle y revient et, contre toute attente, retrouve Bern. Il vit sur la propriété que Cesare a mise en vente et a le projet d'y développer, avec quatre amis, une ferme bio. Il rêve de liberté, de changements. Thérésa pourra-t-elle entrer dans son rêve ?


Paolo Giordano parle avec justesse de l'adolescence, ses secrets, ses frondes, ses maladresses, ses tâtonnements. Il n'a pas crainte d'aller au plus près de l'intime, des sentiments qui s'éveillent et qui sont difficiles à gérer. Il dit avec sensibilité ces décisions qui nous dépassent en dépit du fait que nous nous pensons à même de les prendre; les engagements sincèrement contractés que l'on peine à tenir et qui nous mettent à mal, tout comme les autres; le rapport aux autres, ce que nous sommes capables de donner et de recevoir, et cette part essentielle de secret - est-il par ailleurs souhaitable de tout savoir, tout révéler ? Comprendre l'autre demande du temps, de la patience et demeurent toujours des zones d'ombre. Nous avons tous une part de ténèbres.


L'écriture est entraînante, dosée avec soin, fine. L'auteur nous parle d'idéalisme, du refus d'un monde matérialiste et consumériste, de pureté - trop chère sans doute -, d'amitié, d'amour et de rivalités, de respect de la nature. Et au centre de tout, coeur battant de violence, comme depuis que le monde est monde : les passions humaines et la force de l'attachement qui fait commettre l'irréparable. Parce que l'idéal de l'un n'est pas forcément celui de l'autre...

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