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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Dunbar et ses filles" Edward St Aubyn chez Grasset


"Laisse tes amis s'éloigner à leur guise, mais sois proche de tes ennemis." E. St Aubyn



J'ai précédemment écrit sur certains romans inspirés des pièces de Shakespeare : Nesbo, Chevalier, Winterson... "Macbeth", "Othello", "Un conte d'hiver". Nous voici plongés dans une interprétation ébouriffante du "Roi Lear".

Je vous rafraîchis la mémoire ?

Dans les très grandes lignes : le Roi Lear désire se retirer du pouvoir et a l'idée de diviser son royaume entre ses trois filles, Goneril, Regan et Cordélia. La plus large part sera gracieusement offerte à celle qui saura le mieux lui déclarer son amour. Si les deux aînées usent de flagorneries, Cordélia reste sincère et dit à son père qu'elle devra un jour de son affection à son mari, en partage avec lui-même. Lear, blessé par cette déclaration de sa fille préférée, la déshérite et la bannit. Après moult péripéties - un bel embrouillamini si vous voulez mon avis -, il se repent et lui demande son pardon. Elle le lui accorde avant de mourir, le laissant inconsolé. Dieu, que c'est cruel !


Edward St Aubyn transpose son intrigue aux Etats-Unis au XXIe siècle et Lear revêt le costume de Henry Dunbar, magnat des médias à l'aura puissante et mondiale, que ses filles aînées, Abigaïl et Megan, font passer pour fou - avec l'aide d'un médecin peu scrupuleux - et enferment afin de mener à bien une opération boursière culottée et prendre les rênes du pouvoir. Abigaïl est, selon les circonstances, amorale ou immorale; Megan est une véritable psychopathe doublée d'une nymphomane cannibale. Deux monstres, deux abominations donc. La seule faille à leur plan de génie, le grain de sable qui vient gripper la savante mécanique, n'est autre que leur demi-soeur Florence. Jadis préférée de son père, déchue suite à sa décision de ne plus s'impliquer dans l'entreprise familiale pour mener une vie simple et bucolique dans le Wyoming, avec mari et enfants. Fou de rage, Henry l'a rayée du conseil et de son testament.

Face à malveillance et la vilenie de ses filles, lui, le coriace, le têtu, l'ambitieux, aiguise ses armes et, faisant amende honorable envers Florence qu'il a reniée, se lance dans une vengeance subtile et implacable.


Fabuleuse réécriture du mythe, bellement traduit par David Fauquemberg. Toutes les passions humaines sont mises en scène au coeur d'une famille dysfonctionnelle, s'expriment dans de sombres jeux de pouvoir. Les trahisons y sont féroces, les duperies corsées, la débauche sexuelle jubilatoire autant que cruelle. Le vice et la vertu se livrent une bataille de Titans et c'est réjouissant.

Le ton de l'auteur est lyrique - sans être ampoulé -, mordant et méchant, drôle et malicieux.

Une tragédie au parfum de vraie comédie, telles nos vies...

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