Alexandre revient au Viêtnam, là où il est devenu l'homme qu'il est, là où il a découvert ce que sont aimer et être aimé. Vingt ans ont passé, autant d'années de vie en sommeil, hantées par le lieu - Diên Biên Phù, un nom de naufrage, "trois syllabes de sang, un son de claque et de défaite" - et par une femme au visage de lune, Maï Lan - "ma faille, mon alcool, ma parabole."
Alexandre se souvient des raisons de son départ, plutôt de sa fuite; il voulait mettre de la distance entre lui et un mariage arrangé avec une femme trop pieuse, une vie de fausses promesses, le partage de la solitude - "pour fuir Dieu et connaître l'homme, l'humain (...) pour me forger un destin (...) pour arriver disloqué enfin, à la littérature, à la vie".
Vingt ans plus tard, il fuit la tiédeur, sans rancune, assumant ses choix, élégant toujours - à sa femme, il écrit : "Sache que je t'aime, aussi, quelque part, mais pas où tu étais en droit de m'attendre. En plein coeur."
Il se souvient d'Alassane Diop, l'homme qui lui a sauvé la vie, devenu un ami, un frère.
"Nous étions.
Frères.
D'âmes, d'art et d'armes."
Diop le pousse à écrire. À son retour en France, Alexandre sera journaliste, engagé et militant, des années "de combat et d'amitié",
"de rêves et d'espoir de changement
J'écrivais, j'écrivais, j'écrivais
Des mots que me dictait mon honneur
Des mots de résistance et d'espérance.
En hommage à un ami."
Son credo est cette phrase de René Char : "Résistance n'est qu'espérance."
Alexandre revient avec l'espoir ancré de retrouver Maï Lan qu'il a quittée contraint, là où il est mort là où il est né; retrouver celle à qui il a écrit lettres et poèmes pendant deux décennies sans les envoyer, celle qui a ravi son âme et qu'il aime de tout son être.
"C'est à partir de cette fille que j'ai commencé à aimer, à m'aimer, à vivre, et à écrire aussi vraiment. Comme par débordement."
Il revient pour écrire la dernière page, "pour mettre un point final à ma peine ou mourir en paix."
Marc Alexandre Oho Bambe nous offre un roman d'une extrême délicatesse, écrit avec son coeur de poète, une histoire tissée de lucidité, de rêve et de tendresse. Son écriture résonne comme la plus douce des mélodies avec des notes hautes qui vous éraflent le coeur, vous élèvent l'âme. Je suis sortie de la lecture de "Diên Biên Phù" remuée, grandie, transie par cette histoire qui nous plonge dans la violence la plus noire, une guerre rouge sang; mais aussi une histoire qui nous parle du sel de la vie, de sa sève, de ce qui lui donne sa couleur et sa richesse : l'amitié et l'amour, les vrais combats.
"La vie, la mort, l'amour.
La guerre.
La paix.
Le sens.
Rien n'est vrai.
Tout bouge, sans cesse."
"(...) l'amour commence ou finit toujours par nous couper le souffle."
"Il faut apprendre à escalader ses désastres.
La paix de l'âme se perd sur la ligne d'équinoxe fragile entre mille et une nuits sans soleil et les jours d'après qui sommeillent, au coeur de nos creux et de nos cris stridents.
La paix de l'âme se perd ou se trouve, sur le chemin.
La paix se perd ou se trouve.
Quelque part.
En nous."
"L'amitié, vraie et réciproque, a ceci de particulier qu'elle vous élit dans le coeur d'un autre, coeur élu dans le vôtre en retour, un autre vous, un autre dont vous n'attendez rien mais espérez tout. Parce que c'est lui, parce que c'est vous."
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