Texas, 1870. Jefferson Kyle Kidd a vu trois guerres et prie pour ne pas en voir une de plus. La dernière en date lui a pris sa presse et son métier d'imprimeur, sa femme est morte l'année qui a suivi, ses deux filles vivent dans un autre Etat. Pour gagner de quoi vivre, il est itinérant et voyage de ville en ville pour y porter les nouvelles du monde, choisissant bien ses journaux en ces temps tourmentés, de façon à ménager les susceptibilités.
Kidd va bientôt fêter ses septante-deux printemps, c'est un homme bienveillant qui n'a peur de rien et qui a toujours eu du courage. Seulement, là, il est arrivé à un stade où il ne supporte plus les problèmes et les émotions des autres; depuis quelques temps sa vie lui semble médiocre et amère.
Quand on lui confie Johanna Leonberger, capturée à l'âge de six ans par les Kiowas, avec pour mission de la ramener à ce qui lui reste de famille, il hésite. Cette gamine, du haut de ses dix ans, le regarde de façon bien trop méprisante. Il accepte cependant et les voilà partis dans un périple de plus de six cents kilomètres vers une communauté appelée D'Hanis. Il lui faudra éviter les Indiens, les détrousseurs et les profiteurs de tous genres. Et peu à peu, il ré-apprend quelques mots à Johanna; peu à peu, son coeur fond devant la gamine, peu à peu les angles s'arrondissent, la rugosité s'adoucit.
Une lecture addictive, un personnage - Kidd - attachant, quelques éclats à la Tarantino dans lesquels Johanna intervient activement, petite guerrière.
J'y ai appris que les enfants, enlevés par les Indiens et rendus à leur famille, ne s'acclimataient que rarement à leur vie d'alors et restaient Indiens, même s'ils avaient vécu avec la tribu moins d'un an. Il y a matière à réflexion ! L'accord avec la nature et le courage en règle de base.
"Il ne comprit jamais ce qui avait pu provoquer un changement aussi radical chez une fillette élevée dans un foyer allemand et adoptée par les Kiowas. En l'espace de quatre ans seulement, elle avait totalement oublié sa langue maternelle, ses parents, les siens, sa religion, son alphabet. Elle avait oublié comment utiliser un couteau et une fourchette, et comment chanter selon la tradition européenne. Et une fois de retour auprès des siens, rien ne revint. Elle resta une Kiowa au fond d'elle-même, jusqu'à la fin de ses jours." p.261
Un roman sur les heurts de l'Histoire, le rouleau compresseur qui nous malmène, sur la beauté de la rencontre et des liens que nous pouvons tisser, sur la nécessité de ne pas céder devant l'injustice, et tant encore.... J'aime beaucoup l'idée que nous sommes des passeurs, que nous le vivions en conscience ou pas. Ecoutez Kidd :
"Peut-être que la vie se résumait à transporter des nouvelles. A survivre pour transporter des nouvelles. Peut-être n'avons-nous qu'un seul message. Un message livré à notre naissance et dont nous ne connaîtrons jamais vraiment le sens; peut-être n'a-t-il aucun rapport avec nous, et pourtant nous devons le porter en personne, durant toute la vie, jusqu'au bout, et le remettre, scellé, à la fin."p.158
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