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  • Photo du rédacteurStéphanie Loré

"De la jalousie" Jo Nesbø - Gallimard/Série noire


Jo Nesbø est un maître du thriller surprenant et glaçant mais il est, avant tout, un maestro dans l'expression des passions humaines. "De la jalousie" réunit tous les ingrédients des tragédies antiques : l'amour à mort, la jalousie qui appelle la vengeance. Il nous régale de nouvelles en apparence anodines, cependant savamment construites, aux déviations étourdissantes et déroutantes, aux personnages contrastés. L'imagination de Jo Nesbø est feu d'artifice.


Nous rencontrons une jeune femme qui, pour se venger de son époux volage, a décidé de se suicider de telle façon que celui-là ne puisse ni lui faire porter le chapeau, ni se rengorger qu'une femme arrive à cet acte extrême parce qu'elle ne peut vivre sans lui. Pour que cela ait l'air d'un accident, elle a signé un contrat avec une agence spécialisée dans le suicide assisté...


Il y a Nikos Balli, inspecteur à la brigade criminelle passé maître dans la détection de la jalousie. Il est appelé sur une petite île grecque pour rencontrer un homme que l'on soupçonne de crime passionnel. L'affaire est complexe, il s'agit de frères jumeaux et Nikos semble porter lui-même un lourd fardeau...

"On me dit capable de la flairer. C'est faux, évidemment. La jalousie n'a pas d'odeur, de couleur, de sonorités particulières. En revanche, elle a une histoire. Et c'est en écoutant cette histoire, ce qui est dit, ce qui ne l'est pas, que je parviens à déterminer si je me trouve face à un animal blessé, désespéré. J'écoute et je sais. Je sais, parce que c'est moi, Nikos Balli, que j'écoute. Je sais, parce que je suis moi-même l'un de ces animaux blessés."


Il y a cette femme étrangère, un diplôme de chimiste en poche, immigrée, serveuse dans un 7-Eleven qui, dans sa vie, a connu bien des files d'attente et ne supporte pas ces gens qui se permettent de dépasser les autres, sans s'excuser, sûrs de leurs privilèges. "J'ai horreur des gens qui resquillent"...


Il y a Ivar, éboueur à Oslo, spécialiste des colères intempestives et des black-out les soirs où il picole trop. Comme la veille... Son collègue lui fait remarquer un mauvais coup qu'il a au front. Il était pourtant chez lui, avec sa femme Lisa. Elle l'a trompé avec son patron. Vraiment ? Invente-t-il ?

"Il faut bien que quelqu'un fasse le ménage."...


Simone et Arne se séparent à son initiative à elle. Il peut emporter ce qu'il veut mais part sans rien. Le photographe talentueux et désargenté ne va pas s'abaisser à la requête de la riche héritière. Et puis, Simone meurt...


Odd Rimmen est un écrivain encensé et se demande bien pourquoi.

"(...) ils l'avaient transformé en une espèce de Superman, un intellectuel extralucide qui non seulement analysait la condition humaine, mais prédisait les tendances socioculturelles et diagnostiquait le problème de l'homme moderne. Ne comprenaient-ils pas qu'il ne faisait qu' "imaginer" ?"

Son succès vient des fantasmes sexuels qu'il dépeint dans leurs moindres détails. Il en a soupé !

"Il s'était trompé : il avait en fait vendu son âme et cela lui avait nui en tant qu'artiste. Alors maintenant, ça allait prendre fin."

Il décide de ne plus faire aucune interview, sa rébellion augmente son aura. Il rencontre la journaliste qu'il a plantée le jour de l'émission, lui offre un verre en guise d'excuses, tombe amoureux. C'est sans compter sur le compagnon de la Dame...


Et il y a ce taximan, déprécié par son patron comme par son beau-père, marié à une femme qu'il considère comme un cadeau inespéré - jamais il n'aurait pu imaginer qu'elle le regarderait. Et puis, un jour, une dame montée dans le taxi qui est celui de son boss s'assied sur une boucle d'oreilles qui ressemble furieusement à celles qu'il a offertes à sa femme à la Noël...


Passer quelques heures en compagnie de Jo Nesbø n'est pas du temps perdu. Son sens du suspense est excellent, impossible de lâcher la lecture ! Il est fin psychologue et nous décrit tous les ressorts de la jalousie, "de l'incrédulité à la rage, en passant par la fureur, le mépris de soi et, pour finir, la dépression". Il réussit à nous faire aimer ceux qui passent à l'acte, trahis par la personne aimée. Il est diaboliquement captivant et machiavélique dans l'invention de la vengeance. Lisez, lisez, lisez !

"La vie nous semble parfois pleine de choix possibles, mais peut-être est-ce plutôt que nous ne percevons pas les options faciles comme les choix qui se présentent à nous. Ce sont les dilemmes, les carrefours sans écriteaux qui occupent nos pensées."


Deux routes divergeaient dans un bois jaune; Triste de ne pouvoir les prendre toutes deux, Et de n’être qu’un seul voyageur, j’en suivis L’une aussi loin que je pus du regard Jusqu’à sa courbe du sous-bois.

Puis je pris l’autre, qui me parut aussi belle, Offrant peut-être l’avantage D’une herbe qu’on pouvait fouler, Bien qu’en ce lieu, vraiment, l’état en fût le même, Et que ce matin-là elles fussent pareilles,

Toutes deux sous des feuilles qu’aucun pas N’avait noircies. Oh, je gardais Pour une autre fois la première! Mais comme je savais qu’à la route s’ajoutent Les routes, je doutais de ne jamais revenir.

Je conterai ceci en soupirant, D’ici des siècles et des siècles, quelque part: Deux routes divergeaient dans un bois; Quant à moi, j’ai suivi la moins fréquentée Et c’est cela qui changea tout.

Robert FROST

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