"Pour moi, le féminisme se situe là, dans le porte-monnaie." c'est-à-dire dans l'indépendance financière - S. Azzeddine
"Confidences à Allah" a paru pour la première fois en 2007. Stock le réédite douze ans plus tard, un acte marquant, une prise de conscience face à l'obscurantisme qui revient à une vitesse galopante dans nos sociétés. Il s'agit là de féminité, de liberté, de foi.
Jbara a seize ans et est bergère. Si elle vit dans la pauvreté et la crasse, elle sait qu'un ailleurs est possible. Si "la misère, ça pue du cul" (p.15), elle sait y apporter quelques enchantements, comme ces sucreries qu'elle se réserve, données par un berger nomade en échange de son corps. Enchantement aussi que cette valise Dior tombée du toit d'un bus, dans laquelle elle trouve fringues bling-bling, strings à paillettes et billets craquants. De l'argent providentiel quand ses parents la virent, découvrant qu'elle est enceinte. Jbara est la première surprise, elle ignore comment l'on fait les bébés. L'apprentissage est violent mais elle reste fière et part à la ville, vers un autre destin.
Le ton est cash, brut, en chair, sans fard dans ce monologue adressé à Allah. Jbara y met en balance sa foi envers un Dieu qui l'a plantée là. Elle vogue entre naïveté et lucidité, ne met pas de poésie là où il n'y en a pas. Elle se livre sans pudeur, de façon libre, souvent enragée, drôle aussi. Ses mots sont crus et sans tabou.
J'aime Saphia Azzeddine pour son punch et son caractère frondeur. Le portrait qui se dessine d'une jeune fille arabe refusant le patriarcat séculaire bridant est vibrant et fiévreux. La révolte de Jbara contre l'ignominie d'une telle situation, contre un Dieu qui n'est pas à l'écoute est légitime et belle. Peu à peu, elle prend conscience qu'elle a le droit de disposer de son corps et de ses pensées, que l'oppression n'est pas un déterminisme et qu'elle peut trouver son chemin, digne et indépendante, en dépit des difficultés à affronter.
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