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Photo du rédacteurStéphanie Loré

"Ce que je ne veux pas savoir" Deborah Levy aux Editions du sous-sol

Dernière mise à jour : 17 janv. 2021



Dans une vie, il arrive à certains moments que plus rien ne fait sens, que tout dérape... le genre de moments qui nous plongent dans des abîmes de désarroi, déclenchant d'incontrôlables torrents de larmes qui nous laissent plus perdus, plus éreintés... Quand Deborah Levy se retrouve prise au piège de ce chagrin qui semble ne plus avoir de raison à force de trop en avoir, elle décide de partir là où elle se sent bien, là où elle a séjourné à maintes reprises, toujours avec bonheur. Elle part à Palma de Majorque, dans un petit hôtel où elle arrive à regagner la rive de l'apaisement. C'est le début de la saison hivernale, il y a peu de monde. Elle sympathise avec l'épicier chinois qu'elle a vu lire l'un de ses livres. Il se raconte et, parce qu'elle est en confiance, elle fait de même.


Elle retourne en Afrique du Sud où elle est née en 1959. Elle lui dit l'apartheid, son père partisan emmené au beau milieu de la nuit, devant ses yeux d'enfant qui ne comprennent pas. Sa mère l'envoie chez sa marraine Dory, grosse comme une baudruche et raciste. Deborah découvre les violences qu'engendrent les différences de couleur de peau, que certaines amours sont marquées du sceau de l'interdit - sa cousine Melissa est amoureuse d'un Indien, Ajay. Elle découvre le danger, sait à présent définir le mot 'liberté' -elle n'aura de cesse que d'ouvrir la porte de la cage de la jolie perruche de Dory.

Cinq ans plus tard, son père est libéré et la famille s'exile au Royaume-Uni. Le seul souvenir que Deborah veut garder de son enfance est celui de Maria (Zama de son vrai prénom), la gouvernante; elle s'interroge : si elle aimait Maria, la réciproque est-elle vraie ?


"La politique et la pauvreté l'avaient séparée de ses propres enfants et elle était épuisée par les enfants blancs dont elle avait la charge, par tout et tous ceux dont elle avait la charge."


Elle a quinze ans, apprivoise l'exil, sent l'urgence de vivre et l'écrit. Elle met sur papier ses déflagrations, pareille à Andy Warhol qui déclarait : "Je ne peut pas être morcelé parce que je n'ai jamais été d'un seul tenant." Elle questionne le pouvoir des mots, peuvent-ils être menace ? sont-ils plus dangereux que l'épée ? Elle a tant de questions à poser sur le pays qui l'a vue naître : "Comment les gens deviennent-ils cruels et pervertis ? Si on torture quelqu'un, est-on fou ou normal ? Si un homme blanc lance son chien sur un enfant noir et que tout le monde dit que c'est acceptable, si les voisins, la police, les juges et les enseignants disent : "Moi, ça me va", la vie vaut-elle d'être vécue ? Et qu'en est-il des gens qui pensent que ce n'est pas acceptable ? Sont-ils assez nombreux dans le monde ?"


Elle nous parle d'identité, d'amour, de maternité et de fuite.

"Nous fuyions les mensonges cachés dans le langage politique, les mythes sur notre caractère et le but de notre existence. Nous fuyions aussi nos propres désirs, sans doute, quels qu'ils fussent. Mieux valait en rire."

Mais "que fait-on du savoir qui nous empêche de vivre ? Que fait-on de ce qu'on ne veut pas savoir ? et qui s'impose à nous avec d'autant plus de force ? L'une des façons de s'en libérer est de l'écrire. Comme elle le fait ici dans ce récit élégant, pudique et intime qui se veut une réponse au "Pourquoi j'écris" de George Orwell. Un petit bijou !


"Parfois, dans la vie, la question n'est pas de savoir où commencer, mais où s'arrêter."




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