L'amour ! LA grande préoccupation des humains depuis que le monde est monde, objet de bien des questionnements. Le désir, le coup de foudre, la passion, les déchirements, la jalousie, les bleus au coeur, le désamour, les séparations... Hervé Le Tellier en parle avec une délicatesse d'orfèvre dans ce roman qui n'est jamais ennuyeux et nous mène à diverses émotions.
Thomas Le Gall fut un ado rebelle aux ambitions de ses parents qui rêvaient de le voir faire Polytech. Après une enfilade de petits boulots et parce que Piette, la femme qu'il aime, se suicide, il décide de devenir psychanalyste. Aujourd'hui divorcé, père de deux filles, il ne croit plus en l'amour qui dure. La rencontre de Louise lors d'un dîner chez un ami commun vient bouleverser ses certitudes. Le voilà surpris par la foudre de laquelle il se moquait gentiment.
Louise Blum est une jolie blonde aux yeux clairs, épouse et mère, avocate réputée. Elle ne s'attendait pas à être ainsi emportée par un sentiment éteint dans son couple. Après dix ans, Romain, son mari, est devenu un ami, un frère. Mais elle ne veut pas d'un frère comme compagnon...
Anna Stein va avoir quarante ans, en fait dix de moins. Elle qui, ado, rêvait d'une vie vécue à cent à l'heure, sous les feux des projecteurs, s'est installée dans une petite vie confortable, trop rangée, psychiatre épouse d'un chirurgien avec lequel elle a deux enfants. Elle est depuis douze ans la patiente de Thomas, réfléchissant sur ses choix, sur l'amour, s'étonnant du destin qui lui a fait rencontrer Yves Janvier, un écrivain au succès d'estime, dont elle s'éprend avec passion.
Yves a l'imagination enfantine, adore s'inventer des existences : chercheur spécialisé dans les tardigrades, conservateur au Musée de l'Espace... Non qu'il soit mythomane, "il a seulement le regret qu'adolescent, aucune passion n'ait su balayer toutes les autres pour l'envahir complètement. Il n'est devenu ni biologiste, ni théologien, ni astronome, ni historien". Il est écrivain et doute d'être le genre à avoir un public. Anna l'éblouit immédiatement, le captive au point qu'il quitte Ariane, la belle, la douce jeune femme avec laquelle il vit un amour sans nuage depuis trois ans - "(...) il veut s'exposer à ce ravissement, il veut connaître à nouveau le vertige de la chute, qu'il n'espérait plus retrouver."
Hervé Le Tellier raconte la naissance de l'amour, ses possibles, aussi le désir furtif autant que puissant, les occasions à saisir... ou pas. Son style est diablement séduisant, attractif, ses mots vrais et réconfortants évitent la banalité, la complaisance. Ils nous disent combien nous sommes humains, c'est-à -dire si faillibles et si forts. Comme dans la vie, tout ici est question de nuances, de demi-teintes. La réflexion sur le sentiment amoureux se double de réjouissantes divagations sur, entre autres, les dominos abkhazes, la tache de Fuchs qui peut rendre aveugle, Perec, l'écriture.
Les histoires d'amour finissent mal en général... ou non ! Yves Janvier dit, à propos de l'un de ses romans : "Mais ça finit mal. Heureusement, c'est très court". C'est court, ça finit mal... une définition sommaire de la vie. Et l'auteur de nous rappeler l'urgence de vivre, de s'attacher à nos sensations, de cultiver des sentiments intenses. Assez parlé d'amour ? JAMAIS !
"Lorsque Anna la quitte enfin, Yves aime à rester chez lui, profiter de la force inertielle de ce bonheur qu'il a eu à la voir. S'il a accepté un rendez-vous, un dîner, il l'annule, prétextant du travail, une migraine. il veut que rien ni personne ne lui fasse perdre la note qu'il entend encore, ne vienne troubler la couleur qu'elle a déposée en lui."
"Une légende veut qu'un éclat d'obus fiché dans le cerveau de Chostakovitch lui permettait, s'il penchait la tête d'une certaine façon, d'entendre des musiques inconnues. Tu es mon éclat d'obus de Chostakovitch. 'L'Éclat d'obus dans le crâne de Chostakovitch' ferait un bon titre de roman. La vie est pleine de bons titres de roman."